21.01.2020
LE CHAPITEAU
Si le cirque contemporain était un chandelier à trois branches, le chapiteau serait celle du milieu, entourée par le cirque en salle d’un côté et par le cirque dans l’espace public de l’autre.
Cette place centrale il la doit d’abord à son histoire, beaucoup plus ancienne que celle du cirque contemporain.
Mais depuis bientôt 40 ans de nombreuses générations d’artistes ont réinvesti le chapiteau et grâce à leurs créations innovantes elles lui ont offert de nouvelles lettres de noblesses. Le chapiteau est devenu progressivement le lieu-symbole de la grande utopie qui préside aux fondements des politiques publiques culturelles à la française : la réunion dans un même espace de la création contemporaine et du grand public.
Par sa souplesse architecturale, il assure un maillage au plus fin des territoires. En s’installant près des gens et en particulier là où il serait impensable de construire un théâtre (par manque d’argent ou bassin de population trop modeste) il parachève la carte culturelle française.
Par ses caractéristiques techniques il offre aux créateurs des occasions permanentes d’inventer d’autres espaces et donc de nouveaux rapports artistes/publics. On a pu s’émerveiller ces dernières années devant toutes ces scénographies en grande partie circulaire qui n’ont cessé d’ouvrir des perspectives, d’élargir des points de vue, de requestionner nos regards d’habitués.
Enfin par l’imaginaire qu’il dégage et la simplicité avec laquelle on y accède, le chapiteau réussit, comme aucun autre équipement, à accueillir la plus grande diversité des publics. D’où cela vient-il ? De son histoire éminemment populaire ? Sans doute. On pourrait aussi s’amuser à remonter encore plus loin et recourir à la préhistoire. Si le théâtre est sédentaire par définition, le chapiteau est nomade. Il nous renvoie inconsciemment, qui sait, à nos origines de chasseurs-cueilleurs (sans compter ses étranges ressemblances avec les grottes) !!
L’étrange révolution du cirque contemporain est donc d’avoir introduit le cirque dans la salle et le contemporain dans le chapiteau ! Ce cap est tenu alors même que les différentes architectures (salle et chapiteau) peuvent parfois attirer le cirque vers d’autres trajectoires. On peut l’observer facilement. Le cirque en salle se laisse de temps en temps trop fondre dans l’innovation formelle et les étreintes avec les autres disciplines. Alors que le cirque sous chapiteau peut dans quelques occasions s’égarer vers des désirs d’un cirque chimiquement pur et guidé par le seul divertissement.
Mais ne soyons pas bégueule, la révolution est bien en marche même si le paysage ici décrit peut pécher par optimisme. Seulement, attention, les moyens alloués au cirque contemporain sont inversement proportionnels à la créativité et à la popularité de ce secteur. C’est pourquoi il nous a paru nécessaire de donner un coup de projecteur sur cette vitalité sous dotée. Et quoi de mieux pour allumer la lumière qu’une bonne Nuit du Cirque !
Marc Jeancourt,
Directeur – Théâtre Firmin Gémier – La Piscine Pôle National Cirque d’Ile de France, Châtenay-Malabry et Antony (92)
Pour TDC à l’occasion de la Nuit du Cirque