Depuis 2007, la région fait du cirque l’axe principal de sa représentation en Avignon. Rencontre avec Hélène Breton, Vice-Présidente de la Région Midi-Pyrénées, chargée de la Culture, et Présidente de la Commission Culture de l'Association des Régions de France (ARF).
25.11.2009
Julie Bordenave
CIRCa
Comment la région s’est-elle sensibilisée aux arts du cirque ?
Hélène Breton : Depuis 20 ans, une filière cirque assez complète se développe sur Midi-Pyrénées. Elle repose sur trois structures fortes : Le Lido, l’école la plus emblématique et la mieux structurée ; La Grainerie, lieu de fabrique, d’accompagnement, de travail et de stockage pour les compagnies ; et Circuits, le Pôle National des arts du cirque, et son temps fort Circa. Je crois que la région est maintenant reconnue au niveau national comme une terre où les arts du cirque sont particulièrement dynamiques et privilégiés. Nous avons toujours accompagné leur développement, notamment de manière plus forte durant L’Année des arts du cirque (2001-2002). La vivacité de la filière dans la région suscite la création et l’accueil d’un grand nombre de compagnies, et un grand intérêt de la part des spectateurs.
Pouvez-vous nous parler de l’opération ‘Midi-Pyrénées fait son cirque en Avignon’ ?
HB : Les partenaires avec lesquels nous avons monté le projet nous ont expliqué que les espaces pour le cirque étaient un peu difficiles à trouver en Avignon, il était donc intéressant de proposer quelque chose à ce niveau-là. Après avoir expérimenté plusieurs lieux, nous nous sommes arrêtés sur l’Île Piot – un lieu qui n’est certes pas très central, mais qui s’est bien fait repérer et identifier depuis la 2ème édition, l’an dernier. Depuis trois ans, nous y accueillons entre 5 et 7 compagnies, essentiellement de Midi-Pyrénées, mais aussi 1 ou 2 compagnies invitées. Je crois que ce dispositif fonctionne bien, il permet aux diffuseurs de voir 7 spectacles sur une seule journée. Le lieu met en effet l’accent sur le cirque, mais il est également ouvert aux autres compagnies : il dispose aussi d’un lieu de restauration, tous les acteurs culturels de Midi-Pyrénées s’y sont réunis le 13 juillet autour du président de région, les lycéens que nous envoyons pendant 4 jours sur le festival y sont accueillis… C’est le lieu Midi-Pyrénées ouvert à tous.
De quelle manière se manifeste l’engagement de la région en faveur des arts du cirque ?
HB : De façons multiples et variées. Tout d’abord, en matière d’investissements : les trois structures dont nous avons parlé – Le Lido, la Grainerie, Circuits – disposent toutes de locaux neufs (soit déjà fonctionnels, soit en cours de construction, opérationnels d’ici deux ans), que la région a subventionné à hauteur de 20 ou 30 %. Parallèlement, nous subventionnons aussi des lieux plus modestes, dans des territoires plus ruraux ; nous sommes par exemple en train d’étudier le réaménagement d’une ancienne coopérative pour la compagnie Baro d’Evel, à Lavelanet-de-Comminges. Nous participons aussi à l’acquisition de chapiteaux pour des compagnies. Toute cette aide en investissement aide à créer des conditions de travail satisfaisantes pour des structures de cirque. Ensuite, sur le volet création : 4 compagnies sont conventionnées de façon pluri annuelle par le conseil régional. Puis chaque année, des aides au projet sont dispensées, en fonction des déposés par les compagnies. Cette année, nous avons aidé 6 projets de cirque.
Enfin, nous disposons d’un système d’aide à la diffusion. Plusieurs dispositifs existent : nous pouvons par exemple aider les structures culturelles qui reçoivent un spectacle de cirque, ou bien accompagner la tournée régionale d’une compagnie de cirque conventionnée… Dans le cadre d’aide à la diffusion, il y a aussi bien sûr les festivals ; nous aidons notamment beaucoup Le Chaînon Manquant, qui présente un certain nombre de compagnies de cirque, de Midi-Pyrénées ou d’ailleurs. Dans le cadre des dispositifs de convention de développement culturel, mis en place avec les Pays ou les Parcs Naturels, un certain nombre d’actions de cirque sont aussi soutenues : des actions de formation, des stages de cirques itinérants dans plusieurs villages, ou encore une tournée sur le périmètre du Pays ou du Parc National… Nous avons par exemple financé la diffusion d’un spectacle de cirque sous les halles des villages. Autant d’actions différentes qui permettent de créer une dynamique culturelle en milieu rural.
Dans quel cadre prennent lieu ces dispositifs ?
HB : Les dispositifs de conventionnement, d’aide à la création et à la compagnie, s’intègrent dans nos dispositifs spectacles vivants ; nous n’avons pas de politique culturelle spécifique au cirque. D’autres actions – comme les aides à la formation pour les stagiaires du Lido, ou les aides à l’insertion professionnelles – sont gérées par la direction de la formation, et non de la culture.
Il existe aussi des dispositifs interrégionaux, et euro-régionaux : un projet de diffusion interrégionale dans le cadre du Massif Central, porté par le Limousin, le Languedoc Roussillon et Midi Pyrénées, pour programmer et faire circuler sur 12 à 15 lieux les créations de trois compagnies (une par région). En matière de projets transfrontaliers, il existe un dispositif culturel spécifique pour l’euro-région regroupant Midi Pyrénées, le Languedoc Roussillon, la Catalogne et les Baléares : la coopération a été montée par les structures d’au moins trois des quatre régions. Dans ce cadre, nous avons par exemple soutenu la coproduction et la diffusion du spectacle Ï de Baro d’Evel, sur le thème de la retirada des républicains espagnols.
La discipline est assez bien organisée, autant nationalement qu’internationalement, ce qui permet aux compagnies de tourner beaucoup. Je constate que la filière est bien structurée, par rapport à d’autres disciplines comme le théâtre, qui rencontre par exemple des problèmes de langues pour tourner à l’étranger. Il existe un véritable réseau structuré, même dans les relations que nous menons avec les acteurs.
Malgré ses spécificités (temps de création plus longs, tournée sous chapiteau…), pensez-vous que le cirque s’intègre facilement dans les politiques culturelles qui pré existent ?
HB : Oui, je pense qu’il s’intègre bien ; j’ai le sentiment que dans le spectacle vivant, les choses ont tendance à se métisser, la différente entre le cirque, la danse ou le théâtre devient moins évidente. Pour exemple, la Cie 111, emblématique de Midi-Pyrénées, est-elle du cirque, de la danse, du théâtre, de l’art plastique ? Certes, le cirque comporte des spécificités, notamment le chapiteau, mais beaucoup de spectacles de nouveau cirque ne se déroulent plus sous chapiteau et investissent de nouveaux lieux.
Peut-être justement que les compagnies investissent moins le chapiteau parce qu’elles ont du mal à tourner avec…
HB : Un problème de lieu est en effet quelquefois évoqué, mais aussi un problème de coût : montage, démontage, normes de sécurité… Le problème est très complexe. Cela a en effet peut-être une incidence forte sur les nouveaux styles de création de cirque. Tourner un spectacle en investissant un lieu différent chaque jour et en démontant le chapiteau tous les soirs, c’est actuellement impossible. La compagnie Vent d’Autan dispose d’un chapiteau, dont nous avons soutenu l’acquisition. Quand ils l’installent quelque part, tout un programme d’action culturelle se développe autour du spectacle : ce n’est plus simplement un lieu de diffusion, ça devient un autre projet. Un projet certes très intéressant, mais qui suppose aussi que la compagnie soit déjà assez bien installée, qu’elle dispose d’une convention avec la ville, ou avec la structure à côté de laquelle elle s’installe. Mais même si le nomadisme et le théâtre itinérant sont difficiles à mettre en œuvre, le projet reste extrêmement intéressant. Le chapiteau conserve une force poétique que n’auront jamais les autres lieux de diffusion, et répond à beaucoup d’attentes.
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