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Les 20 ans de CIRCA

Défricheur de talents et fier représentant de toutes les tendances du cirque actuel, le festival CIRCA fête cette année ses 20 ans. Une programmation forcément riche et protéiforme se devait de saluer l’événement.

01.01.2008

julie bordenave

CIRCa

Initialement dédié aux rencontres des écoles de cirque - Concours International de Rayonnement du Cirque d’Avenir, devenu CIRCA -, le festival d’Auch s’est au fil des années élargi au cirque actuel dans toute sa diversité, n’ayant de cesse de défricher le domaine pour y dénicher de nouveaux talents. Depuis sa première édition en 1988, de grands noms s’y sont succédés, tels Cahin Caha, Métalovoice, A&O, Gosh, Johann Le Guillerm… Un an avant l’Année des Arts du Cirque (2001-2002), Circuits devenait la première Scène Conventionnée pour les Arts du Cirque, hissant ainsi la discipline au niveau national. La programmation de cette édition des 20 ans devait forcément réserver du lourd : 20 spectacles mêlant création monumentale et intimiste, française et internationale, focus sur les talents de demain, ainsi que des rencontres professionnelles, expositions, ateliers et scènes ouvertes …

Formes monumentales et intimistes

Moult créations 2007 au programme de cette 20e édition. Du spectaculaire, tout d’abord. NoFit State Circus a ravi les yeux avec la recréation d’Immortal, grosse machinerie garante d’un esprit post punk inspiré de leurs aînés d’Archaos. Explosant au-dessus de la tête des spectateurs, dans un barouf de ferraille, les Gallois véhiculent diable d’énergie sous leur chapiteau en forme de soucoupe volante. Porteur d’un énigmatique ailleurs, le peuple d’Immortal, tout de noir vêtu, n’hésite pas à bousculer le spectateur : les agrès prennent place au milieu d’un public fermement invité à se déplacer au gré des évolutions des artistes. Humour tout britannique, orchestre à vue, spectacle à 360° : imparable.

Dans un registre très différent, L’attraction céleste conviait les spectateurs par sessions de 50 à pénétrer sous leur chapiteau miniature pour une forme toute intimiste : Dans mes bras explore un univers forain inspiré des monstres d’antan à la Tod Browning. Issus de la compagnie auscitaine Vent d’Autan, Servane Guittier et Antoine Manceau sondent en finesse la question du handicap, de l’accident, de la marginalité ; les tensions et rapports complices qui soudent un couple dans l’adversité. Accordéon, trompette, acrobaties sur un banc... Sur le fil du rasoir, le rire le dispute à l’émotion, le public retient son souffle pour ne pas déranger les comédiens et mieux pénétrer leur univers délicat.

Autre version du couple, version pop sucrée, avec le Cirque Aïtal, qui propose avec La piste la une forme alternant douceur et cruauté infantile, maîtrisant à la perfection les codes de l’acrobatie, de la contorsion et du rapport de force avec les émouvants duos mains à mains d’un colosse et d’une poupée punkette, épaulés par l’éternelle figure du musicien dégingandé.

De l’art du maniement de la parole

Fraîcheur et audace pour La Cie Singulière, qui importe en salles l’art du canular et du boniment encore peu courant sur les pistes. Tout entier porté par la tchatche et l’imagination fertile de Thomas Bodinier, ancien élève de l’école du Lido de Toulouse, le spectacle nous convie dans les pas de sa joyeuse troupe hétéroclite, qui aurait fureté du côté du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique… pour des Soliloques qui n’auront jamais si bien porté leur nom.

Palabres, il en fut aussi question aussi avec Nikolaus, et son Raté rattrapé raté, point d’orgue d’une carrière toute entière à l’art de la parole et de la jongle baigné d’un univers poétique à l’humour ravageur. Emmenant à sa suite, au sein de sa Cie Pré-O-C-Coupé, Pierre Déaux et Mika Kaski - deux comédiens circassiens doués qui occupent la scène d’une belle présence toute loufoque -, le spectacle explore avec finesse la hantise première du jongleur : comment défier la loi de la gravité. Baignée dans un décor de cartons malmenés, jonglant avec des œufs ou des gobelets en plastique, la démonstration par l’absurde remonte jusqu’à la genèse de la création du monde… Ou la théorie du chaos selon Nikolaus, chaînon manquant entre Jacques Tati et les Monty Python.

Enfin, prépondérant dans cette 20e édition, le savoureux Sébastien Barrier a sali dès le samedi 27 octobre la piste aux étoiles avec ses bottes pleines de varech, à travers le Cirque cynique maritime porté par son personnage Ronan Tablantec, « clown anarchique, primaire ou subtil, né d’un père absent et d’une mère agitée ». Son passage à Auch marquait l’une des étapes de son Midi-Pyrénées Tour (démarré à 0h01 à Capdenac et achevé à 23h59 à Ax les Thermes) entamé dans le cadre de Rue Libre – première Journée Nationale des Arts de la Rue. Le même Sébastien revenait en fin de semaine au sein de la compagnie GDRA et son Singularités ordinaires, pertinente épopée multimédia croisant trois récits de vie.

Combinaisons iconoclastes

Des agrès originaux font aussi leur apparition. Ayant un temps posé ses roues dans les festivals de rue avec les Têtes de Vainqueur (dont est issu aujourd’hui le chanteur Didier Super), Vincent Warin explore désormais seul en salle les vicissitudes de son deux roues sur la piste. Cet ancien champion de France et vice champion du monde de BMX freestyle convie son tout petit vélo sur la scène avec sa création 3,4 petites pièces pour vélo de sa Cie 3.6/3.4. La Cie Chabatz d’Entrar s’attaque quant à elle à l’assemblage de planches à l’équilibre précaire, avec son spectacle Mobile. Enfin, un nouveau défi pour les Ballets C. de la B. avec Import Export - pièce pour six danseurs acrobates – sur une chorégraphie de portée par le chorégraphe Koen Augustijnen - un quator à cordes et un alto. Ou quand l’orchestre classique rencontre l’univers circassien.

En piste pour les 20 ans !

Des événements exceptionnels saluèrent cette 20e édition : une traversée aérienne de la Place de la République par le funambule Olivier Roustan, de la compagnie Les Tichobates (spécialisée en escalade, accroche et ascension du mobilier urbain), et un Cabaret des 20 ans mis en scène par l’incontournable Christian Lucas, dans un lieu emblématique de la ville, le Pop Circus (école de cirque d’Auch), conviant les figures illustres qui firent les belles heures du festival auscitain. Et même, comme chaque année, la messe toute particulière de l’abbé André de Lavenère (fondateur du Pop Circus), qui conviait cette fois les artistes à réaliser des prouesses circassiennes dans la cathédrale Sainte-Marie d’Auch durant l’office de 10h du dimanche 28 octobre (retransmise durant Le jour du seigneur sur France 2). Enfin, parmi les spectacles d’écoles, mention spéciale pour Parfums de vie, le deuxième volet de Circo Efimero, né de la rencontre entre les élèves de l’école argentine El Coreto de Buenos Aires et ceux de l’ENACR de Rosny sous Bois initiée en 2005 : énergie revigorante, recherche sur les personnalités individuelles au sein d’un grand collectif, joliment mises en espace par Laurence Levasseur.