Espace cirque d'Antony DR

Les chantiers en cours : création sous chapiteau et interrégionalité

Deux chantiers sont actuellement en cours au sein de Territoires de cirque : la création sous chapiteau et l’interrégionalité. Au cœur des réflexions, une problématique commune : relancer la création circassienne, en aidant à la production et la diffusion de spectacles de qualité qui se questionnent sur un rapport singulier au public.

04.01.2008

julie bordenave

Agora PNAC Boulazac ALPC, CIRCa, La Verrerie d'Alès, Théâtre Firmin Gémier / La Piscine

Porté par Marc Jeancourt, le premier atelier en cours concerne la création sous chapiteaux. Pour le directeur du Théâtre Firmin Gémier-La Piscine, il s’agit de tirer la sonnette d’alarme sur une discipline en perdition : « Il y a péril en la demeure ; pour l’instant, nous accueillons environ quatre chapiteaux par an à l’Espace Cirque d’Antony, or j’ai beaucoup de demandes car il y a très peu d’espaces cirque permanent en Ile de France, pour des raisons foncières essentiellement. D’ici deux ans, je serai probablement contraint de prendre uniquement les spectacles qui me seront proposés, puisqu’il devrait ne plus y en avoir que quatre ou cinq par an. Or s’il n’y a plus de choix possible, il n’y a plus de ligne artistique. »

Frilosité des diffuseurs devant une structure souvent mal connue, difficultés à tourner, soucis financiers… Les propositions artistiques deviennent de moins en moins conséquentes : « la vitalité du cirque contemporain aujourd’hui se développe en salles : de moins en moins d’équipes travaillent sous chapiteau, pour des spectacles qui se ressemblent de plus en plus. La raison est très simple : les conditions économiques sont si difficiles qu’une compagnie qui crée sous chapiteau ne peut pas se passer d’un succès assorti d’une tournée, sinon c’est la faillite ; or pour tourner, il faut que le spectacle plaise rapidement et facilement, d’où un recours récurrent aux vieilles ficelles … Certaines de ces propositions sont certes très agréables, mais la diversité est en train de se perdre. »

L’objectif du groupe de travail de Territoires de Cirque ? Sortir des revendications purement corporatistes pour élargir le débat à la problématique artistique : « pour certains projets, il n’y a pas de problèmes ni d’argent ni de diffusion. Il suffit de regarder la tournée qu’effectuent actuellement Les Colporteurs avec Le fil sous la neige, ou Johann Le Guillerm avec Secret : ils vont dans des lieux généralistes, qui n’ont pas forcément d’histoire très ancienne ni régulière avec les arts du cirque, mais qui sont touchés par le langage, par la singularité de la démarche artistique, et qui se décarcassent pour trouver un espace et de l’argent. Il faut donc que nous arrivions à remettre sur le circuit des spectacles qui réussissent à convaincre les directeurs de théâtres, de scènes nationales. Ce n’est pas seulement un problème d’argent, c’est aussi un problème d’accès à une certaine exigence artistique, qui permet d’ouvrir les portes de beaucoup de réseaux lorsqu’elle est atteinte. »

Comment dès lors relancer la création sous chapiteau ? « Il s’agit de repérer un certain nombre d’artistes, et de les assurer de notre aide et de notre soutien le jour où ils auront envie de créer sous chapiteau. Le chapiteau est aussi une occasion unique de rencontre avec la population, davantage que le théâtre ; il ne s’agit pas de faire des spectacles d’accès opaque, mais des spectacles exigeants, qui trouvent en même temps un langage universel. Mais il ne s’agit pas non plus de faire, comme on peut voir de temps en temps, du frontal pur dans un chapiteau. Je parle vraiment de création pour cet espace-là, qui questionne le cercle, qui pose ce rapport très singulier au public. »

Il s’agit de contribuer à l’émergence de nouvelles formes artistiques, d’élargir l’espace des possibles pour libérer les imaginaires ; des créations récentes comme Le Phare de Boris Gibé (Cie Les choses de rien) ou La piste la du Cirque Aïtal réinterrogent le rapport au circulaire et au chapiteau en tant qu’espace à explorer : « lorsque nous discutons de cela, nous nous rendons compte que certains artistes n’avaient même jamais osé y penser ! Je pense qu’il y a vraiment une intuition à suivre, qui peut se révéler féconde sur le plan de la création. C’est aussi notre responsabilité d’essayer de faire naître et de soutenir des créations au langage un peu singulier. » Une première réunion organisée durant le festival Solstice en juin dernier a permis de poser les bases de travail ; des sous groupes travaillent actuellement sur 3 axes : questions de production ; questions techniques concernant notamment le rapport au nomadisme et la possibilité d’envisager un mutualisme/prêt de chapiteaux ; questions de diffusion enfin, pour intégrer au projet des services de plus en plus larges. Rendu des copies fin 2007 / début 2008.

Interrégionalité

D’autres groupes de travail de Territoires de Cirque se penchent quant à eux sur l’interrégionalité. Objectif : soutenir les compagnies dans le domaine de la production et de la diffusion à l’échelle interrégionale. L’atelier s’articule autour de trois axes : le soutien d’une grosse forme sous chapiteau à l’échelle inter régionale, la mise en scène par un artiste reconnu et repéré d’un spectacle qui inclut des élèves des écoles de cirque à l’échelle aussi inter régionale, et la formation dans les lycées.

« Ce système propose de trouver un lien qui permette à cinq régions de financer la circulation d’une œuvre, qui se baladera au sein de ces cinq régions – ou du moins de faire le pari d’un assouplissement des règles d’intervention des directions culturelles des régions », commente Frédéric Durnerin, directeur de l’Agora de Boulazac et coordinateur du projet. Le deuxième niveau d’intervention étudie la question de l’insertion au sein du cirque, en croisant le cheminement d’artistes et le parcours de jeunes circassiens : « nous voulons monter un projet qui aura obligation d’aller chercher du côté des écoles de cirque préparatoires – le Lido à Toulouse, l’Ecole de Cirque de Bordeaux, le Centre des Arts du Cirque Balthazar à Montpellier. » Le troisième niveau va chercher plus en amont : « avant même de parler de jeunes artistes circassiens, se pose la question de l’éducation artistique dans les lycées. Le projet est porté par Guy Périlhou, de la Verrerie d’Alès en Cévennes, qui va proposer aux lycées des cinq régions concernées des modules dédiés (une compagnie, un spectacle et un atelier). »

Ces trois projets ont vocation à se croiser dans le temps et dans la façon dont ils s’organisent et sur le terrain : « le spectacle choisi se baladera sur les cinq régions ; à charge ensuite aux membres de Territoires de Cirque de trouver des points d’appui afin qu’elles circulent à l’intérieur de la région, sur au moins 2 lieux. Il pourra par exemple se poser quinze jours dans une région, précédé de quelques jours par le spectacle d’insertion. Le chapiteau de la compagnie choisie sera mis à disposition de ce spectacle, et également de quelques initiatives locales qui pourront se greffer ici ou là ; ça pourra aussi prendre une forme qui va nous échapper ! » Concrétisation du projet prévu pour la fin du premier semestre 2009.