Itinéraire de Cirque en Massif Central

Itinéraire de Cirque en Massif Central est un dispositif mis en place sur trois ans, destiné à favoriser la porosité entre régions, pour répondre aux besoins impulsés par l’itinérance indissociable du cirque.

22.11.2009

Julie Bordenave

CIRCa, La Verrerie d'Alès, Le Sirque

Parce que la Verrerie d’Alès Pôle Cirque région Languedoc-Roussillon travaille en réseau depuis plusieurs années et notamment avec un dispositif “d’Itinéraire de cirque en chapiteaux” sur sa propre région (Lire par ailleurs l’article sur la région Languedoc-Roussillon), elle a proposé aux deux autres structures en Limousin et en Midi-Pyrénées de dupliquer le même dispositif sur un grand territoire commun. Le Sirque, Pôle Cirque de la Région Limousin, souhaitait en effet développer son dispositif Itinéraire Cirque en Limousin avec des chapiteaux et l’association Derrière le Hublot, en collaboration avec Circuits, s’intéressait à cette même problématique pour parfaire son programme territorial Arts de la rue. Le dispositif Itinéraire Cirque en Massif Central prévoit des tournées concertées et la valorisation du travail du fond effectué par les Pôles Cirque en régions auprès de compagnies régionales. Il s’articule autour des trois structures et du travail de trois compagnies. Marc Délhiat, co-directeur du Sirque de Nexon, établi pour nous le bilan de l’opération au terme de sa première année.

Pouvez-vous me brosser rapidement le paysage du cirque dans la Région Limousin ? Marc Délhiat : Cela va faire 23 ans que le Sirque est implanté à Nexon. Il a été nommé Pôle régional des arts du cirque en 2001, parmi les 11 pôles historiques. Les missions de soutien à la création, de diffusion ainsi qu’un incessant travail de sensibilisation des publics ont été un véritable levier auprès des collectivités et des structures culturelles de la région, ce qui a permis de donner une place pour des formes de cirque contemporaines, en salle plus généralement, les formes sous chapiteaux restant encore propres aux spectacles créés et diffusés sur Nexon, d’où l’intérêt du projet d’Itinéraires de cirque sous chapiteau.

Nous bénéficions d’un soutien important de la région : le conseil régional nous dote d’une subvention de fonctionnement de 89 000 euros, assortie de deux aides à l’emploi sur les dispositifs d’aides à l’emploi associatifs mis en place par certaines régions, qui ont pris le relais des emplois jeunes. Le milieu rural constitue à la fois notre atout et notre handicap : nous sommes implantés dans un bourg rural de 2 428 habitants, donc les capacités budgétaires de la ville sont limitées ; la communauté de communes dont nous dépendons est composée essentiellement de communes de 200 à 300 habitants, et ne dispose pas de compétence culturelle. D’où l’importance du soutien régional, départemental, et de l’état.

Chaque Pôle Cirque dispose d’une convention d’objectifs négociée avec ses partenaires financiers, dont les Régions ; il incombe donc à chacun de s’acquitter des missions de rayonnement et diffusion territoriale sur nos régions respectives. Dans ce cadre, nous avons mis en place depuis quelques années le dispositif Itinéraire de Cirque en Limousin.

Pouvez-vous me décrire ce dispositif ? MD : Il concerne essentiellement la diffusion, à partir d’équipes qui ont été coproduites ou accompagnées en résidence par le Pôle Cirque en amont : faire en sorte que ces équipes rayonnent sur la région, et qu’elles soient plus particulièrement intégrées dans les programmations pluridisciplinaires des différents lieux en régions ou dans des lieux pas particulièrement riches en offre culturelle. Le dernier Itinéraire en date a été important : il concernait Un cirque plus juste de la compagnie Circo aereo, dirigée par Jani Nuutinen, un artiste finlandais associé depuis trois ans au Sirque. Après la création, nous avons monté un Itinéraire d’un an et demi : 30 dates réparties sur 10 lieux de la région. Nous avons favorisé l’accueil sur les structures culturelles, en prenant à notre charge tous les frais d’approche, transports, défraiement, repas, mise à disposition d’un régisseur… Ces prises en charge par le Pôle Cirque amoindrissent le coût d’accueil pour les lieux inscrits dans l’Itinéraire. Nous sommes en milieu rural, le tissu associatif est assez important, notamment sur le périmètre du Plateau des Mille Vaches : beaucoup d’associations sont impliquées dans des projets de sauvegarde de villages, des structure reprennent des petits lieux de spectacle type bar ou épicerie. Autant de relais qui sont précieux, mais qui ne disposent d’aucun budget, par conséquent le Pôle Cirque prend pratiquement tout en charge. Pas mal de jalons sont posés, les choses vont se construire dans le temps. Il y a encore des préjugés à faire tomber, on a tendance à nous demander du cirque en début ou fin de saison, pour Noël… Les choses avancent rapidement dans certains lieux, comme au Théâtre Jean Lurçat, scène nationale d’Aubusson, qui s’ouvre davantage au cirque contemporain ; le programmateur porte un œil aiguisé et juste sur des formes en salles.

Ce dispositif a donc inspiré le dispositif interrégional Itinéraire de Cirque en Massif Central. MD : Nous avons ouvert ce dispositif plus largement sur le Massif Central, en s’associant avec deux autres régions : Midi Pyrénées, où le projet est porté par Derrière le Hublot – Pôle des Arts de la Rue, à Capdenac, qui vient en relais à Circuits, situé hors zone administrative ; et Languedoc-Roussillon, où le projet est porté par La Verrerie d’Alès en Cévennes – Pôle des Arts du Cirque qui travaille déjà énormément en réseau. Chacun décline l’Itinéraire dans sa propre région : c’est un prolongement de ce qui existait déjà, sur un territoire beaucoup plus vaste.

Il s’agit également d’établir des tournées concertées, sur trois spectacles choisies en amont par chaque région, qui effectuent un travail de fond avec les compagnies concernées implantées sur leur territoire : Le sort du dedans de Baro d’Evel pour Midi Pyrénées (trio sous chapiteau de 18,50m, jauge de 240 places) ; Le Cirque Précaire de la compagnie Le Mort aux dents pour Languedoc-Roussillon (solo sous chapiteau de 10m, jauge de 180 places) ; Un cirque plus juste de Circo Aereo pour le Limousin (solo sous chapiteau de 10m, jauge de 118 places).

Le projet est monté pour trois ans, et prévoit entre 4 et 7 implantations par région, soit sur les mêmes sites, soit sur des projets de mini itinéraires, par le biais de structure relais. L’idée est de permettre, autant que faire se peut, à un même public de voir au moins deux des trois propositions, d’où les choix esthétiques complémentaires. La diffusion est assortie d’un petit volet d’action culturelle (atelier, partage de chapiteau, répétitions ouvertes…).

Comment s’établissent les tournées concertées ? MD : Nous essayons de faire coïncider les calendriers des lieux avec ceux des compagnies. Ce n’est pas simple, cela dépend des régions. Par exemple, sous l’action de Guy Périlhou à la tête de La Verrerie, sa politique cirque en Languedoc-Roussillon est déjà structurée en réseau. En ce qui concerne le Limousin, c’est plus compliqué : la réponse aux crédits a été très tardive. Il n’y avait pas de précédent en culture sur les crédits Massif Central, nous ne pouvons pas être sûrs que les choses aboutissent totalement. Or, il est difficile d’engager équipes artistiques et lieux sans avoir réponse concrète des crédits. Il y a une disparité de montants entre les trois régions : sur la Région Limousin, je n’ai pas obtenu ce que j’escomptais, la Région m’a demandé d’utiliser une partie de ma subvention de fonctionnement ; j’ai finalement réussi à faire dégager 5 000 euros, alors que le projet en réclamait 40 000. L’ensemble du projet a dû être recalibré, nous avons dû valoriser des spectacles qui seront présentés au Sirque de Nexon en les intégrant dans le dispositif, alors que l’idée première était de sortir de notre lieu, pour aller rayonner le plus possible sur la région.

La circulation du chapiteau semble constituer encore un problème épineux. MD : Nous avons comme priorité de mettre en avant le chapiteau, ce qui est difficile : les coûts sont lourds. En Limousin, personne n’accueille des chapiteaux si le Pôle Cirque n’est pas derrière ; et la priorité des centres culturels et des salles n’est pas de sortir de leurs lieux. Malgré le dispositif Massif Central, j’ai encore beaucoup de mal à trouver des partenaires pour accueillir un chapiteau, bien que l’on amène une part sur l’accueil relativement importante : je n’ai pas réussi à trouver de lieu de diffusion pour Baro d’Evel, l’accueil reste beaucoup trop lourd pour les lieux. Une fois encore, il y a une disparité entre les régions, structurellement parlant. En Limousin, nous avons le Sirque, avec son chapiteau permanent, implanté à l’année, à Nexon, nous n’avons pas les moyens de trop nous disperser. Nous avons besoin de dispositifs pérennes pour nous accompagner dans cette mission de diffusion régionale

Quel est le bilan de cette première phase ? MD : Cette année 2009 aura servi à donner une visibilité sur ces dispositifs. 2010 servira à entériner ce partenariat entre les trois régions, faire en sorte que les trois régions se positionnent de façon claire sur leurs territoires respectifs, en prenant en compte le poids économique de la diffusion sous chapiteau, qui n’est pas le même qu’un duo de jongleurs par exemple, que l’on peut poser facilement en frontal dans une salle. Je pense que l’expérience et le temps permettront aux choses d’avancer, et inciteront les collectivités à affirmer leur position sur la notion de diffusion territoriale.

Pour répondre au souhait d’irrigation du territoire, qui est très présent de la part des collectivités, il est nécessaire de mettre en place les moyens adéquats ; nous ne pouvons pas amputer le travail et le budget de notre lieu pour aller sur d’autres territoires, qui sont certes parfois de proximité, mais peuvent aussi être très éloignés du site d’implantation d’un Pôle Cirque. Il serait nécessaire d’établir une règle commune à l’ensemble des régions. Le nombre de compagnies avec lesquelles nous devons établir la diffusion est le même, ainsi que le nombre de sites et de représentations visés, donc nous avons besoin d’un budget similaire pour les trois régions. Mais la concertation n’est pas allé jusqu’à cette harmonisation. A l’arrivée, la disparité de moyens crée un projet amputé. Le point fort pour l’instant, c’est la région Midi-Pyrénées : la Région étant jusqu’à présent encore peu impliquée sur le périmètre nord du Massif Central, l’association Derrière le Hublot (basée à Capdenac) a obtenu ce qu’elle demandait. La troisième phase de l’opération, prévue pour 2011, prévoit de travailler avec les mêmes compagnies sur un autre spectacle de leur répertoire, ou sur des opérations « carte blanche », en lien avec d’autres compagnies issues d’autres territoires (éventuellement des nouvelles Régions concernées).

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