Pour une éthique renouvelée de la relation
Une vidéo présentant des analogies entre des extraits de spectacles de l’artiste circassien Yoann Bourgeois et d’autres spectacles conçus antérieurement par différents artistes, circule actuellement sur les réseaux sociaux. Cette vidéo et les réponses qu’ont pu y apporter dans deux textes Yoann Bourgeois et Chloé Moglia, citée dans ladite vidéo, ont provoqué de multiples réactions au sein de la profession et, il va de soi, au sein du réseau Territoires de Cirque.
Nous avons immédiatement engagé des échanges entre artistes et actrices et acteurs culturels qui font émerger de nombreux constats et enjeux pour Territoires de Cirque.
Ces débats arrivent au bon moment mais d’une mauvaise manière.
L’anonymat des images diffusées, la technique employée (montage parcellaire) et le renoncement à toute forme de recours en droit (médiation, assignation, …) portent préjudice aux sujets de fond que nous souhaitons approfondir en tant que regroupement de lieux de production et de diffusion du cirque contemporain. Les attaques ad hominem ne sont pas de notre ressort. Nous ne pouvons les cautionner. En revanche nous sommes concernés – même si c’est d’une toute autre manière que celle des artistes – par les sujets qui sont ici en jeu : dans la création artistique, quid de la question de la citation, de l’hommage, de la régénération, voire du développement, d’un geste artistique particulier, à opposer à l’emprunt, la copie, le plagiat ?
Les frontières sont ténues d’autant plus pour un art jeune dont l’histoire des gestes et des formes est encore à écrire. D’où un travail considérable afin de caractériser une œuvre circassienne, sa maternité ou sa paternité, pour l’enregistrer, selon les fondements mêmes de la propriété intellectuelle, auprès des sociétés de gestion collective de droits d’auteurs. Il s’agit de tendre vers une prise de conscience collective impliquant l’ensemble des actrices et acteurs du milieu.
Dans cet exercice délicat, il nous faut créer de nouveaux espaces de dialogue, d’information et d’accompagnement des artistes, qui permettraient notamment d’affiner la définition de termes encore trop flous.
Territoires de Cirque s’engage à ouvrir le débat avec de multiples partenaires et notamment avec la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques). Ces échanges devront aborder les questions passionnantes et sensibles de l’avancée de l’art, des moteurs propres aux surgissements et métamorphoses de courants esthétiques. À cet égard le cirque de création s’enrichira, en tant que mouvement artistique récent, à observer tous les processus déjà expérimentés par ailleurs.
Ce qui est aussi interrogé sinon dénoncé aujourd’hui, ce sont les rapports de forces et de pouvoir. Un système qui ne protègerait pas suffisamment et ne parviendrait pas à rééquilibrer les dissymétries à l’œuvre : celles des artistes entre eux selon les degrés de notoriété, celles des artistes face aux acteurs et actrices culturelles et celles que génère le cadre institutionnel lui-même.
Ces questions soulèvent diverses réactions au sein de Territoires de Cirque et cette diversité de points de vue démontre l’ampleur du sujet. Le réseau s’interroge sur les responsabilités qu’il porte dans cet écosystème et entend contribuer à des améliorations, voire des changements profonds avec celles et ceux qui font vivre le cirque de création, a fortiori les artistes.
Nous en appelons à une véritable introspection de nos pratiques pour un meilleur respect de certaines règles déontologiques et une éthique de la relation renouvelée et réaffirmée à un moment où les rapports de domination ne sont plus tolérables.
Parmi les nombreux chantiers que nous mettons en œuvre et qui remettent perpétuellement en jeu nos usages, un nouveau chantier s’ouvre à nous dont il convient de nous emparer collectivement !
Le 22 février 2021.
Territoires de Cirque
L’usage des œuvres
L’histoire peine
L’usage des œuvres ou ma surprise de faire partie de la constellation imaginaire de Yoann Bourgeois version pdf →
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